Dans le cadre de la série de webinar des « Expériences Digitales » j’ai été invité par Olivier Sauvage et Steve Pajot à échanger sur la thématique du commerce unifié. Le replay est directement disponible ci-dessous et je vous invite à le visionner si vous voulez en savoir plus sur cette thématique.
Pour ceux qui préfèrent la version texte (et pour le référencement :p) voici un récapitulatif de nos échanges lors du webinar avec les principales questions abordées.
Commerce unifié : une définition ?
Il s’agit tout simplement de faire du commerce et de l’articuler autour du client. Mais cela désigne surtout la nécessité de coordonner les canaux de vente et de casser les silos dans un cadre omnicanal. Cela nécessite un alignement des systèmes d’information et des processus logistiques.
L’objectif est bien sûr la tant recherchée expérience sans couture pour le client. Pour prendre un exemple : si la marque dispose d’un programme de fidélité, il est normal d’en faire bénéficier l’ensemble des clientes, peu importe le lieu de leur achat. De même pour des opérations commerciales en cours ou même les prix des produits.
Le commerce unifié est nécessaire pour s’adapter aux nouveaux comportements des consommateurs.
- Ils sont plus connectés du fait des nouvelles technologies et des multiples points de contact virtuels et physique.
- Ils sont plus avertis. Intelligent et mieux informés le client manie les points de contact en fonction de ses objectifs. Il utilise même tous les canaux simultanément.
- Et ils sont plus exigeants. Au niveau des caractéristiques des produits et des attentes envers la marque.
Le client n’a que faire de notre organisation interne, il veut uniquement répondre à son besoin ou son envie et souhaite que son parcours soit fluide, agréable tout en ayant le moins possible la sensation de perdre son temps.
Pourquoi tendre vers le commerce unifié ?
Qu’est-ce que ça implique en termes techniques ? Peux-tu nous parler de ce chantier ? Quels sont les freins ?
Cela nécessite un alignement des systèmes d’information et des processus logistiques. Et c’est là la vraie complexité du commerce unifié. Nos systèmes ont été construits sur un modèle de pensée qui n’est plus valide. Un exemple courant : lors de la création du web, celui-ci a été vu comme un magasin supplémentaire avec quelques spécificités. Encore aujourd’hui cet historique a d’énormes répercussions quand on essaye d’évoquer des initiatives multicanales que ce soit au niveau des tarifs, du suivi client, des stocks, etc.
Les systèmes d’information et les processus logistiques sont généralement les plus complexes à modifier car ils irriguent l’ensemble de l’entreprise. De là vous pouvez imaginez les challenges techniques, organisationnels et culturels.
Tu as parlé de ecommerce « headless » : peux-tu nous expliquer ce terme ?
Cela désigne un type d’architecture de système d’information. Il s’agit d’exposer l’ensemble des fonctionnalités sous forme d’API. Ce qui permet de les réutiliser facilement sur tous les canaux. On parle du compte client, du panier, du catalogue de produit, de la gestion des commandes, etc. De plus cela permet de complètement découpler la partie front, l’UX, de la partie back (business). Ce n’est pas nouveau comme approche mais il est encore rare de voir un commerçant avec cette architecture sur l’ensemble de son système d’information. Généralement ça se fait petit à petit, brique par brique.
Si vous voulez une image parlante imaginez votre système d’information comme un plat de pâtes.
- Si votre architecte est monolithique, c’est un gros plat de spaghetti. Quand vous faites une évolution vous tirez sur une pâte et vous voyez un peu ce qui vient avec. Parfois ça se passe bien, des fois vous tombez sur une grosse boulette de viande qui vous casse un processus comptable en voulant rajouter un bouton d’action sur une landing page.
- Si vous avez commencé un travail d’API, vous vous retrouvez avec un plat de lasagnes. Chaque couche est bien séparée du reste mais il n’empêche que si vous voulez modifier la couche du bas vous devez jouer un rôle d’équilibriste pour que le reste ne s’effondre pas. La plupart des grands e-commerçants français sont dans ce cas de figure.
- L’architecture headless il faut la voir comme un plat de raviolis, chaque pâte est indépendante et peut être consommée séparément des autres. Vois pouvez en faire évoluer une sans changer la structure du plat.
Du côté de Promod, nous sommes déjà prêts sur toute la donnée client, la fidélité, les opérations commerciales, les tarifs. Cette année on finalise la partie produit, catalogue et notre plateforme ecommerce. En 2021 on s’attaque à la partie stock et la gestion de la commande.
Quels sont les problèmes logistiques à résoudre ?
Quand on parle de commerce unifié on fait souvent référence à des initiatives telles que le click and collect et le ship from store. Mais je pense qu’avant ça il faut résoudre deux choses primordiales : la fiabilité des stocks et la fiabilité du réseau en magasin qui a besoin d’interroger beaucoup plus de services qu’avant pour proposer toutes les initiatives de la marque.
Si vous permettez de commander une pièce qui n’existe pas ou si vous faites patienter 20 minutes votre client en magasin parce que vous recherchez une information de stock, vous perdez énormément de ventes. Pour cela Promod est en train de finaliser son projet RFID qui assurera une fiabilité de stock de 100% et de revoir l’installation réseau de l’ensemble de ses magasins.
Ensuite nous ne manquerons pas de lancer des initiatives sur ces nouveaux services que sont le pick et ship from store.
Le commerce unifié suppose-t’il aussi une observation permanente de l’expérience client ?
J’ai tendance à penser qu’on ne peut plus faire de commerce sans observer ses clients et ses parcours. C’est d’ailleurs pour ça que mon service expérience client omnicanal a été créé. Il fusionne le service client avec des expertises e-merchandising, UX, conversion, logistiques, transports et d’animations du réseau de magasin autour des services multicanaux.
Comment Promod analyse-t-elle l’expérience client offline et online ?
Avec de la data tout d’abord. Nous cumulons outils internes, web analytics et DMP pour analyser le business et un premier niveau de comportemental.
Ensuite avec les retours du réseau de magasin, du service client et des réseaux sociaux que l’on essaie de corroborer avec l’analyse data.
Nous déclenchons également des enquêtes automatiques suite à un passage de commande. Ou de manière plus ponctuelle pour des besoins d’études. On a d’ailleurs un petit baromètre de l’expérience utilisateur qui se déclenche de temps en temps.
Enfin en mettant en œuvre des tests utilisateurs selon nos objectifs d’analyse.
Arrivez-vous facilement à réconcilier les deux ? Et comment faites-vous ?
Le système le plus efficace est le service de e-ticket en magasin. Le ticket de caisse est envoyé par email. Cela permet de ne plus imprimer, de faciliter les retours en magasins, de faire le lien entre commande magasin et email client, et également d’en profiter pour récupérer un opt-in pour les campagnes CRM.
Avec notre DMP nous arrivons à rapprocher en partie les parcours offline et online. Nous savons identifier aujourd’hui que 18% des ventes magasins ont été influencé dans les 30 derniers jours par une visite sur nos sites ecommerce, une campagne CRM ou publicitaire.
Utilisez-vous des méthodes particulières pour améliorer l’expérience client ?
Une fois n’est pas coutume : les tests utilisateurs, notamment sur la partie e-commerce. Cela dit nous avons pour la première fois fait un test avec nos conseillères mode en magasin sur leur application métier qui tourne en caisse et sur leur tablette vendeur. Les résultats sont très riches et les correctifs permettent d’améliorer indirectement l’expérience d’achat en magasin.
Peux-tu nous rappeler les convictions de Promod concernant l’expérience client ?
Chez Promod on ne conçoit pas l’expérience client autrement que omnicanale. Cela nécessite des grand chantiers de transformation mais nous savons que c’est nécessaire pour aller dans le sens de l’histoire et être proche des attentes de nos clients.
D’un point de vue organisationnel, est-ce facile ?
C’est le plus gros des challenges. Cela demande à la fois une vision claire, alignée de la direction et à la fois une transformation opérationnelle des équipes.
Comment faites-vous pour que les différents silos de l’entreprise se parlent et se coordonnent ?
Le premier silo à lever c’est celui du web et des magasins. L’action la plus efficace est d’inclure le chiffre du web et des services multicanaux dans les primes des équipes magasins.
Ensuite il est nécessaire d’avoir un plan d’animation commercial partagé et cordonné entre offre, stock, merchandising et marketing.
Enfin il faut une roadmap projet transversale qui aligne les investissements avec les ressources et les priorités.
Comment vous accompagne la direction générale dans ce projet ?
En 2019 Promod a établit une stratégie à 5 ans en identifiant les grands chantiers stratégiques à mettre en oeuvre et les grands indicateurs à atteindre. La crise du covid n’a fait que confirmer cette cible et l’a même accéléré. Cette clarification a fait un bien fou et a un effet accélérateur sur notre transformation.
Une cellule transformation pluridisciplinaire a été créée cet été et insuffle une bonne dynamique et un recentrage sur les priorités.
Pour finir, quelle est ta conviction personnelle sur l’expérience client ?
L’expérience client est une démarche continue. Et j’ai même à cœur de l’inscrire dans une démarche d’optimisation des conversions.
Nous recensons les obstacles notamment avec les retours du service client et des tests utilisateurs, nous les qualifions et les priorisons. Ensuite on définit des hypothèses de résolutions que l’on essaye de confirmer ou d’infirmer avec nos datas, des études ou des tests AB. Chaque résultat nous permet d’affiner notre connaissance client et de qualifier nos hypothèses.
Quels seraient les conseils que tu donnerais à d’autres entreprises pour atteindre le type d’objectifs que Promod s’est fixés ?
Faire en sorte de retrouver sa capacité à innover et à pivoter son business. Personne ne sait ce que nous réserve l’avenir. Globalement tout le monde a les mêmes idées : le client au centre, la personnalisation, etc.
La concurrence ne se fait plus sur les idées mais sur le délai d’exécution de ces idées.
Et dès maintenant initier un chantier de transformation culturelle en adéquation avec la feuille de route de l’entreprise. Et si elle n’existe pas ou est floue, il s’agira du premier chantier de cette transformation.